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La clause de destination nécessaire au contrat

Les baux commerciaux contiennent une clause dite de destination. Elle détermine la nature du commerce qui peut être exercé dans les locaux. La destination des lieux, à savoir l'activité du locataire, est prévue dans le contrat et ne peut, en théorie, être modifiée sans l'accord du bailleur.

Le changement d'activité du locataire implique d'étudier si la nouvelle activité entre dans le champ de la destination prévue au contrat.

C’est un cas dans lequel les juges sont souverains, en cas de désaccord, ils devront déterminés la nature de la nouvelle activité exercée par le bailleur.

C'est à la signature du contrat que cette clause se négocie. Ainsi, il existe des baux qui peuvent être consenti pour l'exercice d'une seule activité, ou pour « tous commerces » avec ou sans restrictions. Dans ce cas, le locataire qui obtient un bail tous commerces a la possibilité de changer ou étendre son activité sans avoir à obtenir l'assentiment du bailleur.

Le Code de commerce autorisent deux types de « déspécialisation », à savoir la « déspécialisation partielle » ou « restreinte » et la « déspécialisation plénière ».


I - La « déspécialisation partielle »

Selon le Code de commerce, « le locataire peut adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires ». Cette disposition est d'ordre public cela signifie que même si dans le bail une clause limite strictement l'activité à exercer dans les lieux loués, le locataire peut y adjoindre des activités dites connexes ou complémentaires.

Que représentent les activités connexes ou complémentaires ?

Aucun texte ne définit l'activité connexe ou complémentaire. Les juges ont dût préciser ce terme lors des procès en fonction des cas d’espèce présentés devant eux. Ainsi, selon un jugement de la cour d'appel de Paris, est « connexe à une activité celle qui a un rapport étroit avec elle. Est complémentaire celle qui est nécessaire à un meilleur exercice de l'activité principale, qui en constitue le prolongement raisonnable ».

On peut donner quelques exemples de décisions, ont ainsi été reconnues comme connexes ou complémentaires à l'activité de charcuterie, la vente de plats cuisinés, de poulets cuits, de gâteaux ou produits bretons. En revanche, il existe de nombreux cas dans lesquels cette complémentarité n'est pas admise par exemple il est impossible pour un commerce de vêtements de vendre des montres.

Pour trancher, les juges se réfèrent aux usages locaux, à leur évolution, aux habitudes de la profession et surtout à la conjoncture économique.


Comment obtenir la déspécialisation ?

Pour engager la procédure de déspécialisation, le preneur doit :
- notifier à son bailleur, par voie d'huissier, son intention d'exercer de nouvelles activités avant même de les mettre en place.
- À réception, le bailleur dispose de deux mois pour refuser la déspécialisation.

La loi n'exige aucune forme particulière pour la réponse du bailleur (lettre simple, recommandée ou par voie d'huissier).
- S'il ne répond pas dans ce délai, l'autorisation est définitivement acquise au preneur.
- Si le bailleur refuse, il doit motiver sa décision.

Le seul moyen dont il dispose est de soutenir que les nouvelles activités ne présentent pas de caractère connexe ou complémentaire.

Mais en aucun cas la loi ne lui autorise à opposer au locataire une clause du règlement de copropriété ou une clause d'exclusivité qu'il a accordée à un autre locataire. Dans la pratique, l'adjonction d'activité est souvent contestée par le bailleur. Reste alors au locataire à saisir le tribunal de grande instance.


Comment saisir le tribunal si le locataire souhaite s'opposer au refus?

Pour engager une telle procédure, le recours à un avocat est obligatoire. Il n'existe aucun délai pour saisir le tribunal. Le juge a un large pouvoir d'appréciation. Si l'activité lui paraît connexe ou complémentaire, il autorise le locataire à l'exercer. Le cas échéant, il rejette sa demande.

En cours de procédure, le preneur peut toujours renoncer à sa demande de déspécialisation. Il peut le faire à tout moment et jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est devenue définitive. Il doit dans ce cas le notifier au bailleur par voie d'huissier et supporter les frais de procès.


Les conséquences de la déspécialisation partielle ?

De la place du locataire :
Le preneur a le droit d'exercer l'activité nouvelle dès l'expiration du délai de deux mois imparti au bailleur pour contester la demande ou dès la décision judiciaire rejetant la contestation du bailleur.

Les nouvelles activités autorisées peuvent devenir plus importantes que l’activité d’origine si celle-ci ne disparaît pas totalement, sinon on rentre dans le cadre d'une déspécialisation plénière non autorisée.

De la place du bailleur :
L'adjonction d'activités connexes ou complémentaires entraîne le plus souvent une augmentation de la valeur locative des locaux. Dans ce cas, le loi autorise la modification du loyer. Elle ne peut cependant être immédiate et l'augmentation est reportée à la première révision triennale. Le loyer est alors fixé à la valeur locative.

De la place des autres locataires du bailleur :
Parfois, les activités que le preneur désire désormais exercer constituent l'activité principale d'un autre locataire du bailleur bénéficiaire d'une clause d'exclusivité. Ici, le locataire ne peut engager la responsabilité de son bailleur. Il peut tout au plus demander le remboursement au bailleur du pas-de-porte qu'il a versé en contrepartie de cette exclusivité.


II - La déspécialisation plénière

Le locataire peut demander à exercer une ou plusieurs activités différentes de celles prévues dans le bail.

Dans ce cas, la « déspécialisation plénière » prévue par le code de commerce, qui précise que « le locataire peut, sur sa demande, être autorisé à exercer dans les locaux loués une ou plusieurs activités différentes de celles prévues au bail, eu égard à la conjoncture économique et aux nécessités de l'organisation rationnelle de la distribution, lorsque ces activités sont compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble » s’applique.

Dans la mesure où elle entraîne des changements beaucoup plus importants que l'adjonction d'activités connexes ou complémentaires, la loi l'a soumise à des restrictions plus sévères. Il ne s'agit plus ici d'informer le propriétaire mais d'obtenir son accord.


Comment obtenir la déspécialisation plénière ?

Le locataire doit :
- notifier au bailleur sa demande par voie d'huissier en énumérant la ou les nouvelles activités envisagées.
- informer par acte d'huissier ses créanciers, qui bénéficient d'une inscription sur son fonds de commerce.

Les créanciers qui s'estiment lésés peuvent ainsi exiger des garanties supplémentaires en invoquant par exemple, les risques liés à la nouvelle activité.

Dans le mois qui suit cette notification, le bailleur doit :
- prévenir de cette demande de déspécialisation l'ensemble des locataires à qui il a consenti une garantie d'exclusivité.
- Ces tiers disposent ensuite d'un mois pour faire connaître leur avis.
- Le bailleur a trois mois pour répondre.

À défaut de réponse dans ce délai, l'autorisation est réputée accordée et l'activité peut être exercée sans aucune autre formalité, mise à part celle relative à la modification de l'inscription au Registre du commerce ou au Répertoire des métiers.

Si le bailleur refuse la nouvelle activité, il ne peut le faire qu'en invoquant un motif grave et légitime, un motif personnel ou encore un motif tenant aux droits des tiers, par exemple ceux des locataires. Il peut aussi assortir son accord de conditions. Il peut par exemple estimer que la demande n'est pas justifiée eu égard à la conjoncture économique.

Cela peut être le cas s'il existe déjà de nombreux commerces exerçant cette activité. Si le locataire estime que le refus est injustifié ou si les conditions qui lui sont imposées sont excessives, il peut porter le litige devant le tribunal de grande instance sans aucune condition de délai. Le recours à un avocat est obligatoire.


Les conséquences de la déspécialisation plénière?

De la place du bailleur :
Le bailleur peut solliciter une augmentation immédiate du loyer. Il n'a pas à attendre la prochaine échéance triennale ou le renouvellement du bail. Si le locataire conteste le montant du loyer sollicité, le juge des loyers commerciaux arbitre le litige.

De la place du locataire :
La déspécialisation plénière entraîne la disparition de l'ancien fonds et la création d'un nouveau fonds de commerce. Dans ce cas, le preneur ne perd pas son droit au renouvellement quand bien même il procéderait à une déspécialisation plénière dans les trois dernières années précédant le renouvellement du bail. De même, si le preneur cède son fonds immédiatement après une déspécialisation plénière intervenue moins de trois ans avant la date de renouvellement du bail, il conserve son droit au renouvellement.

Rappel : le droit au renouvellement est subordonné à l'exploitation pendant trois années consécutives d'un même fonds.

De la place des autres locataires :
Contrairement à la déspécialisation partielle, les tiers sont invités à donner leur avis. Ils ont donc le droit de s'opposer à la transformation envisagée. Mais la loi laisse au tribunal le soin de choisir entre les intérêts opposés, ou d'essayer de concilier les parties. La conciliation se résout souvent par l'octroi d'une compensation financière à l'égard du tiers lésé.